Faisons un voyage dans le temps, imaginons-nous dans des temps très anciens il y a environ 9 500 ans, et que nous soyons les hôtes du clan de la Dame de Bonifacio.
Les hommes de l’Europe Occidentale vivaient de chasse, de pêche et de cueillette, y compris dans les îles de la Méditerranée, leur culture était celle du Mésolithique.
Il y a environ 10 000 ans d’autres hommes commençaient à découvrir l’agriculture et l’élevage, assez loin de nos rivages, c’était en Mésopotamie.
Ces innovations allaient changer le destin de l’humanité à tout jamais, c’est ce que nous avons nommé la révolution du néolithique.
Cette vague migratoire se déplacera lentement de génération en génération et mettra 5 000 ans pour toucher les îles de la Méditerranée et le continent européen.
Aussi notre clan ne pouvait nous offrir ce qui n’était pas encore parvenu jusqu’à eux. Pas de pain, pas de laitages, donc pas de brocciu, pas d’agneau, pas de porc, pas de veau.
On n’imaginait même pas qu’un jour on inventerait la coppa, le figatellu et le prisuttu.
À la table d’hôte on nous aurait servi des fruits de mer, des coquillages, des bigorneaux, des huitres, des patelles, fraichement cueillis.
Des oiseaux piégés le matin même, et surtout leur met préféré le prolagus rôti (une sorte de lapin rat).
Un petit mammifère lagomorphe de la famille des pikas, lièvres, et lapins d’un gout excellent, tant et si bien que l’espèce surchassée a disparu et n’est pas parvenue jusqu’à nous.
Mais le plus remarquable est l’extraordinaire solidarité dont ils faisaient preuve. Dans le groupe, une dame lourdement handicapée était prise en charge par sa communauté, autour d’elle s’afféraient les femmes pour la nourrir, jusqu’à lui mâcher les aliments qu’elle ne pouvait mastiquer à cause de sa maladie.
Malgré les faibles ressources du groupe tout était mis en commun pour que personne ne manque de rien d’essentiel, la nourriture en particulier.
La Dame de Bonifacio vécut jusqu’à 35 ans environ, ce qui était un âge avancé pour la société de leur temps, l’équivalent de 80 ou 90 ans de nos jours.
Elle fût accompagnée pour son dernier voyage dans le respect de leurs coutumes, le corps déposé dans l’abri sous roche d’Araguina Senola, teinté d’ocre rouge.
Cet usage répandu fait écho à l’expression « u tintu » qui signifiait qu’on n’était plus de ce monde.
Un bel exemple de savoir vivre, qui parfois nous laisse rêveurs dans nos sociétés sophistiquées et fortement étatisées, où les acquis sociaux tendent à disparaitre au profit de logiques comptables.
J’aime à penser que ce petit groupe de chasseurs cueilleurs nomades, aux ressources infimes par rapport à nous, nous lègue un beau message où l’humain est au cœur de la société, et qu’ils nous ont donné une belle leçon de savoir-vivre à 95 siècles d’intervalle.
Femu un viaghju in u tempu, pruvemu d’imaginà chè nò fussimu in tempi assai landani, l’invitati di u clan di a signora di Bunifaziu.
In stu gruppu ci campava una donna nata stroppia chì in più ùn pudia salivà, è li ci vulia à masticalli a robba nanzu di dalli.
Tutta a so vita, i so pari l’anu pigliata in carica sin’à a so morte, campò 35 anni, chì per l’epica era un’età assai anziana. A sulidarità ch’elli anu dimustratu ferma una bella lezziò di u sapè campà, venuta da sti tempi cusì landani è di ghjenti chì un pussedianu nunda.
Un bellisimu essempiu di sucietà, è di fatti una bellissima storia umana.