Les liens migratoires qui unissent la Corse à la péninsule italique sont millénaires.
Les Corses pratiquent le commerce, l’élevage, l’agriculture principalement dans les maremmes de Sienne et du Latium.
Mais c’est le métier des armes qui permet de s’élever socialement, en ces temps où les états modernes ne sont pas encore constitués et où les puissants
font appel au mercenariat pour défendre leurs intérêts.
Les armées régulières permanentes n’apparaitront que beaucoup plus tard. De nombreux soldats et officiers corses sont donc recrutés pour servir dans les différents états.
Le pape est alors à la tête des états pontificaux d’une surface de 42 000 km2, il lui est nécessaire d’assurer le maintien de l’ordre public, la protection des convois, des frontières, bref, de disposer d’une sorte de gendarmerie.
Et bien ce sont des corses qui assurent ces missions régaliennes aux XVIe-XVIIe siècles à travers la Guardia Papale Corsa.
Comment ces soldats et officiers corses en sont arrivés à former la garde pontificale qui sera à l’origine de la gendarmerie vaticane ?
Chacun d’eux a eu son vécu. Juste pour se faire une idée, imaginez celle d’un enfant de dix ans né à Bastelica.
On l’envoie à Florence apprendre le métier des armes. Ses oncles sont déjà militaires de haut rang, l’un d’entre eux, Filippo, est maréchal de camps de François 1er, un autre commande la garnison de Gênes, et un troisième, Tristano, est Capitaine au service des Médicis. Sampiero di a Basterga, sera nommé Sampiero Corso. En l’absence de noms de famille au moyen- âge, il était de coutûme d’associer la nation d’origine. C’est ainsi qu’à dix ans il est formé dans la garnison de Giovanni dei Medici, « Giovanni delle bande nere ».
Dans le camp pontifical, Sampiero Corso, sous les ordres du Gouverneur de la Ville, sera à la tête du « Battaglione dei Corsi » le garant de l’ordre public.
Un autre officier, au gré des contrats, finira au service de Clément VII à partir de 1530, le Capitaine Pasquino Corso se hissera au 3e rang des « Bande nere » à la tête d’un corps de 300 soldats corses. On peut le considérer comme le 1er officier de la « soldatesca Corsa » qui prendra le nom de « Guardia Corsa ».
Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes… jusqu’à ce 20 août 1662.
Le roi Louis XIV avait installé l’ambassade de France au Palais Farnese, gardée par ses soldats. Une série d’incidents eurent lieu entre soldats français et corses, des insultes, puis des coups de crosses. Un soldat corse isolé est agressé, que l’on pense mort et c’est l’escalade, coups de feux dans Rome avec une dizaine de morts.
Mais le plus grave aux yeux du roi fut l’attaque du carosse de l’ambassadeur, l’affront devint affaire d’Etat.
Le roi de France demande et obtient des excuses publiques des parents du pape et la dissolution de la garde corse. Il exige de plus une pyramide d’infamies dirigée contre la nation corse.
Le pape cède face à la menace d’intervention armée de ce qui est à ce moment là le plus puissant pays d’Europe. Après un procés couru d’avance contre 18 soldats corses, qui furent torturés et emprisonnés, et l’un d’entre eux tué pour l’exemple. La garde corse, dissoute, dut quitter Rome.
C’est la longue histoire de ces milliers de soldats corses qui se termine dans la tragédie d’une injustice que tente de faire connaitre l’ « Associu Guardia Papale Corsa » créée en 2014.
Mais en coulisses, le pape réussit à garder ces soldats d’une valeur indispensable au maintient de l’ordre. Et ils y restèrent jusqu’à la dissolution des états pontificaux en 1870, date à laquelle les soldats du roi d’Italie, cette fois, envahirent le Vatican, pour réaliser l’unité italienne.
La mission de l’association étant d’honorer la mémoire de ces corses qui pendant onze siècles furent au service de la papauté, mais aussi de retisser des liens avec les « cunfraterne di u trastevere ».
Le 27 juillet 2024 à 16h30, une grande messe en langue corse sera célèbrée en la Basilique San Grisogono à l’initiative de l’arciconfraternita Del Carmine et l’Associu Guardia Papale Corsa, invités par les prêtres de Santa Agata et de San Grisogono et avec la bénédiction de leur Evêque.
Ringraziemu à Iviu Pasquali (presidente di l’Associu Guardia Corsa Papale) per u so aiutu.
Source principale :
Paul Turchi-Duriani et Stéphane Marchetti, les Corses des papes, Storia Corsa edizioni, N°4, pages 51 à 61 éditions Alain Piazzola.
A guardia Corsa Papale fù à l’urigine, sottu à u Papa Leone primu, l’incaricu di Corsi pè a surveglianza è a Guardia di i muri di Roma. Più tardi, fù una milizia per fà a dugana, a pulizza, è a guardia di Roma chì appartenia tandu à u Vaticanu. Si pò ancu ramintà chì a creazione di gendarmeria Vaticana hè stata iniziata è creata da e guardie corse. Sin’à stu maladettu 20 d’aostu di u 1662, quandu un azzuffu cù i suldati Francesi è un prucessu d’una tremenda inghjustizia fece scioglie a guardia corsa. Ma u valore di ’ssi suldati fù tale chì u papa mantene parechji Corsi à u serviziu di a Santa Fede sin’à u 1870.