A bandera, le drapeau blanc frappé de la tête de maure est aujourd’hui l’emblème de la Corse par excellence et son origine se perd dans la nuit des temps. Des légendes se sont bâties autour de lui mais des faits historiques nous éclairent quelque peu sur son histoire.
Plusieurs thèses s’affrontent et s’emmêlent, la plus ancienne apparition de la tête de maure est liée à Saint Maurice, un martyr africain décapité en 303. Par ailleurs 80 familles en Europe ont la tête de maure sur leur blason1.
A tesi aragunese
En 1281 Pierre III d’Aragon fait frapper un sceau avec quatre têtes de maures entourant une croix qui ; selon l’historiographe de la Couronne d’Aragon Jerònimo Zurita au XVIe siècle ; évoqueraient la victoire de Pierre Ier à Alcoraz vers la fin du XIe siècle.
Le contexte de la fin du XIIIe siècle est marqué par une opposition majeure entre les deux autorités suprêmes du moment qui revendiquent à la fois les pouvoirs spirituel et temporel :
- D’un côté le pape ; représentant de Dieu sur terre, à la tête des états pontificaux ; et ses alliés constituent le parti Guelfe. Il est notamment protégé par Charles d’Anjou qui règne sur le sud de l’Italie.
- De l’autre côté, l’empereur Romain Germanique qui se dit Lieutenant de Dieu, à la tête d’un empire et bénéficiant d’un réseau d’alliés constituant le parti Gibelin. Avec à la tête de ce parti en faveur de l’empereur : le roi Pierre III d’Aragon.
À la faveur d’une révolte, la Sicile fût la première à changer de camp. Ce furent les Vêpres siciliennes en 1282, qui chassèrent les Angevins, alimentées en sous-main par le pouvoir Aragonais Catalan.
D’où la réaction du pape Boniface VIII de créer le Royaume de Sardaigne et de Corse en 1297, qu’il donne en fief perpétuel au roi Jacques II d’Aragon, avec en contrepartie la concession du retour de la Sicile dans le camp Guelfe. Le « Regnum Sardiniae et Corsicae » était né.
En 1317 le roi d’Aragon prend le titre de roi de Corse. En 1325 la conquête de la Sardaigne est entreprise et avec elle le sceau à têtes de maures créé par Pierre III est alors associé aux deux îles.
La chronique de Giovanni della Grossa nous apprend qu’en 1373 le lieutenant du roi d’Aragon, Arrigo della Rocca arborait le drapeau du roi d’Aragon sur les châteaux qu’il avait conquis, et que la seule vue de cet emblème dissuadait quiconque d’essayer de les reprendre.
En 1418 le neveu d’Arrigo, Vincentello d’Istria prend le titre de Vice-Roi de Corse pour le compte du roi d’Aragon Alphonse V. La chronique ne précise pas si Arrigo della Rocca a arboré la tête de maure, mais en toute logique on peut l’imaginer.
Au XIVe siècle, l’armorial de Gelre (Belgique) associe sans équivoque la tête de maure au royaume de Corse, alors que les quatre maures sont désormais associés uniquement à la Sardaigne.
A tesi tuscana
La tête de Maure est présente sur la façade du Palais communal de Pistoia, elle commémore la participation de la cité à l’offensive commune de Gênes et de Pise contre l’émir des Baléares en 1115. Vers 1015, une intervention avait déjà eu lieu contre l’émir des Baléares Mujàhid de Dénia. Celui-ci nommé par les Italiens « il rè Musetto » fût battu par l’alliance des deux cités rivales Gênes et Pise, ainsi que les Giudicati Sardes. Pierre III d’Aragon en tant que chef du parti Gibelin aurait essayé de réactiver cette mémoire d’union contre un ennemi commun.
Pour Pierre III l’alliance de la Catalogne, Pise et Gênes contre le maure ne représenterait pas le musulman en tant que tel, mais bien la figure de l’ennemi politique incarné par Charles d’Anjou2.
À partir de 1387, sous Jean 1er, l’emblème du royaume Aragonais Catalan redevient les quatre pâles rouges sur fond d’or, et les quatre maures semblent devenir l’emblème spécifique des deux îles Sardaigne et Corse qui constituent le « Regnum Sardiniae et Corsicae » comme expliqué précédemment.
Le choix du « Babbu di a Patria » Pasquale Paoli fait de la tête de Maure l’emblème de l’Etat Corse le 24 novembre 1762 à Corti. Ce choix semble dicté par la volonté d’indépendance à l’égard de Gênes avec qui la Corse avait en commun l’image de l’immaculée conception, la tête de maure devient dès lors le symbole de la liberté de la Nation Corse indépendante.
Après Ponte Novu en 1769 il devient le symbole politique de la contestation.
Aujourd’hui la tête de maure s’est imposée comme le drapeau de la Corse et a été naturellement choisie comme l’emblème officiel de la Collectivité de Corse.
1 Michel Vergé-Franceschi
2 Les lieux de Mémoire de la Corse Médiévale (page 144), Vanina Marchi van Cauwelaert, éditions Albiana, 2021.
Remerciement à Erick Miceli pour l’aide apportée à la rédaction de cet article.
A bandera bianca di lu moru stampata hè oghje un simbulu cunnisciutu da tutti è ci pudemu legitimamente dumandà a so urigina.
L’ipotesi a più ducumintata essendu quella di u reame Aragunesu. Difatti, a bandera d’Aragone in u 1281 era quella di a croce di San Ghjorghju inturniata di quattru mori. In u 1297 fù criatu u reame di Corsica è di Sardegna da u papa Bunifaziu VIII è rigalatu in quantu à « feudu perpetuale » à Ghjacumu II d’Aragone. In u 1387, a bandera Aragunesa cambia torna per u fondu d’oru stampatu di quattru strisce rosse. Ma a so antica bandera (i quattru mori) ferma sempre assuciata à l’inseme Corsica è Sardegna.
A prima raprisintazione cunnisciuta di a testa mora sola, assuciata à a Corsica, si trova nantu à u stemmariu di Gelre (Belgica) datendu da u XIVesimu seculu. Allora chì a Sardegna s’hè tenutu i quattru mori. Tuttavia, e duie bandere sò sempre poste sottu à quella Aragunesa… Si ritrova u moru più tardi nantu à a muneta di Tiodoru di Neuhoff in u 1736. È in a cunsulta di Corti di u 24 di nuvembre 1762 fù sceltu cume stemma di u statu corsu da u generalatu di Pasquale Paoli.
Oghje ghjornu, a testa mora hè simbulu ufficiale di a Cullettività di Corsica.