Raconter une histoire en la scénarisant devant un public est une pratique aussi ancienne que l’humanité et se retrouve dans de nombreuses cultures à travers le monde. Mais le théâtre occidental, tel que nous le connaissons, remonte au VIe siècle avant J.-C. et trouve ses racines dans l’Antiquité grecque.
À l’urigina…
Le terme «théâtre» dérive du verbe grec θεάομαι (theáomai : regarder, contempler, admirer) avec le suffixe -τρον (-tron : ce qui sert à), désignant à l’origine le lieu où l’on observe un spectacle. Il est également un symbole important de la culture, qui reflétait le raffinement et la puissance d’une cité.
Le théâtre grec se caractérisait par son intégration dans le relief naturel, offrant aux spectateurs une vue imprenable sur le paysage environnant. Les gradins, disposés en demi-cercle, faisaient face à la σκηνή (skené : la scène), un édifice en pierre servant de coulisse et optimisant l’acoustique pour rediriger le son vers les spectateurs. Les acteurs portaient des costumes et des masques, amplifiant leur voix et affichant des traits particuliers en fonction du genre de la pièce : comédie ou tragédie.
Les Romains, inspirés par les Grecs, modifièrent ces structures pour créer un espace plus clos, favorisant des performances comme la farce et le mime, où les acteurs étaient maquillés plutôt que masqués.
Au Moyen Âge, le théâtre survécut grâce aux spectacles urbains des troupes itinérantes de bateleurs* et aux drames liturgiques de l’Église. Ce n’est qu’au XVe siècle, avec la redécouverte des œuvres de Sénèque et de Térence, que le théâtre antique renaquit, atteignant son âge d’or aux XVIe et XVIIe siècles. Ce qui nous amène peu à peu vers Bastia…
È in Bastia ?
La Corse n’étant pas coupée du monde, les courants culturels qui traversent le continent s’y expriment également, parfois de manière plus modeste ou avec un peu de retard…
Bastia se voit dotée d’un premier théâtre de fortune en bois dès 1772, situé sur la place du marché, tout près de l’église de San Ghjuvà. Commandé par le Comte de Marbeuf, représentant du roi Louis XV en Corse, ce théâtre avait aussi une visée politique : accélérer l’assimilation de la population à la francophonie. Cependant, corsophone et italophile, ladite population restait irrémédiablement tournée vers l’art lyrique italien, accueillant principalement des troupes toscanes, témoignant cependant de l’amour des Bastiais pour l’opéra.
Ce n’est qu’en 1879 que fut inauguré le nouveau théâtre, dessiné par l’architecte italien Andrea Scala. Ce vaste édifice accueillait également la bibliothèque municipale et une première projection cinématographique y eut lieu en 1907.
À titre indicatif, ce n’est qu’au lendemain de la première guerre mondiale et avec l’arrivée du célèbre ténor Bastiais César Vezzani, formé à Paris, que les Corses commencèrent à s’intéresser enfin au répertoire français.
Malheureusement, ce fleuron des beaux-arts insulaire fut ravagé par les bombes durant la Seconde Guerre mondiale et ne fut reconstruit qu’en 1981…
Dumane, chì ne serà ?
Visant la candidature au label « Capitale Européenne de la Culture », le théâtre de Bastia fait aujourd’hui l’objet d’un projet de rénovation porté par la Ville et la Collectivité de Corse : « Bastia Corsica 2028. »
S’élevant à hauteur de 37.000.000€, le programme prévoit entre autres : une surélévation en verre destinée à accueillir le conservatoire de Corse Henri Tomasi, une salle de spectacle entièrement rénovée, des espaces flexibles à usages multiples et même des jardins !
Véritable poumon culturel regroupant théâtre, conservatoire de musique, de danse et d’art dramatique, ce projet d’envergure modifiera la ligne d’horizon de la ville et sera visible depuis la place Saint Nicolas jusqu’à la citadelle. À l’image de ses ancêtres antiques, il sera pour nous le phare qui signalera la Corse au monde entier !
*bateleur : personne qui fait des tours d’acrobatie, d’escamotage, sur les places publiques, dans les foires.
A parolla tiatru ci vene da u verbu grecu θεάομαι (theáomai : feghjà) è u suffissu -τρον (-tron : chì ghjova à…), hè un edifiziu dedicatu à a cultura ma dinò, un simbulu impurtante di prestigiu per a cità.