Sophie Olmiccia : Parlez-nous de votre enfance, et de ce quartier du vieux port qui a forgé votre personnalité !
Hubert Tempête : Je suis né au Puntettu à Bastia. Le Vieux Port de Bastia était notre quartier, et plus encore, un véritable village dans la ville. C’était la joie de vivre. Ma mère était italienne. Elle ne faisait que chanter, des chansons italiennes bien sûr. Ca me plaisait beaucoup…
S.O. : Comment est venu le surnom de « Tempête » ?
H.T. : Tempête, c’est un surnom comme on les donnait dans tous les quartiers à l’époque des villes et villages. Mais c’est vrai qu’il y a une anecdote particulière.
À la fin de l’été on allait faire du bois pour l’hiver. Mon père était pêcheur et on n’avait pas tellement de moyen pour en acheter. À 10 ans il me propose de l’accompagner dans ce qui était une véritable aventure pour mon âge. Nous devions aller chercher le bois à la Marana, en barque ! La première fois où il m’a proposé de l’aider, j’étais tout content ! J’ai dit à ma mère « surtout réveille-moi demain matin à 4h pour accompagner Papa pour cette mission ». Je pensais que ça allait être une partie de plaisir. Je ne m’attendais pas à cela. Il fallait aller dans le maquis pour couper le bois avec la grande scie, descendre le bois coupé au rivage, le mettre dans le bateau, et le ramener à Bastia. De Bastia on le débarquait et on le montait à la maison. J’ai fait le premier voyage, j’étais exténué ! Mon père me dit alors : « Demain on fait un autre voyage ».
J’avais changé d’avis, je ne voulais plus y aller. Le soir je me suis mis à la fenêtre et j’ai crié les mains au ciel « TEMPÊTE ! TEMPÊTE ! » Je me rappelle avoir réveillé tout le quartier. Le lendemain surpris, mon père m’avait finalement laissé dormir. J’ai regardé la mer, elle était démontée…
J’avais donc compris pourquoi il m’avait laissé tranquille, et c’est alors que dans la rue, les gens ont commencé à m’appeler « Tempête ».
S.O. : Avant d’ouvrir la fameuse « Pizzeria Hubert Tempête », véritable institution bastiaise, quelle était votre activité ?
H.T. : J’ai d’abord été vitrier, mais étant donné que j’étais exploité j’ai voulu changé et je suis rentré à la Poste comme facteur. J’ai par la suite quitté ma fonction je me suis mis à chanter, sans être connu, pour m’amuser. J’écrivais des textes. Des chansons « macagna ». Tout ce qui était sentimental selon moi avait été dit, je n’aurais pu inventé quoi que se soit. Alors je me suis à écrire des chansons humoristiques, en observant la société, c’était dans les années 50.
Enfant j’avais fait des concours de chants, dont un qui a été un évènement très marquant. C’était sur la place Saint Nicolas, et toute la foule m’a hué. J’ai été déçu de voir le monde huer un enfant. Je leur ai dit « Vous allez entendre parler de moi ». Je me suis révolté. Tout compte fait, ils m’ont sauvé la vie. Ils m’ont fait devenir chanteur.
Je chantais dans les mariages, les baptêmes. Je voulais devenir un artiste modeste. Pas une vedette. Je voulais être un homme humble. Un homme libre.
S.O. : À quel moment avez-vous ouvert la pizzeria Hubert Tempete ?
H.T. : Je l’ai ouverte en 1991, pendant 30 ans. Une pizzeria familiale, ou je recevais mes amis, on jouait beaucoup de musiques, les groupes venaient chanter. C’était toujours la fête. C’est devenu une institution, je ne m’y attendais pas, et je voyais que ça durait, que ça plaisait aussi bien aux jeunes qu’aux plus âgés. C’est un lieu qui a brassé trois générations. Sans me vanter. Je voyais les gens heureux, j’étais heureux.
S.O. : Quelles sont les rencontres qui vous ont marqué ?
H.T. : Des tristes ou des bonnes ? (rire)
Celles d’Hervé Vilard, Joe Dassin, Annie Cordie, j’avais fait leurs premières parties.
Les Mantini ont été une belle rencontre aussi, ils m’ont demandé des textes. ils sont devenus populaires, et grâce à eux je suis devenu un peu plus connu.
S.O. : Vous écrivez toujours aujourd’hui ?
H.T. : Oui, sur des sujets d’actualité. Notre société. Sur des évènements qui se passent aujourd’hui que j’avais déjà prédit il y a quelques années, et même déjà écrit. La période est difficile, mais je reste optimiste parce que l’Homme ne baisse pas les bras.
Quale ùn cunnosce à Hubert Tempête ? Vera è propria figura bastiaccia, per 30 anni hà fattu ride è ancu cummossu ogni generazione cù i so scritti macagnoni, usservendu a sucetà incù talentu, finezza è passione.