En Corse, a rivia ou a rifredda est une délicieuse brochette composée d’abats de cabri, ou d’agneau, issue d’une tradition ancestrale, que l’on déguste lors du réveillon de Noël.
Typique des régions du Sartenais, de l’Alta Rocca et de l’Extrême-sud, la confection délicate de ce repas est absente de la cuisine continentale. Pourtant, force est de constater que ce mets disparait peu à peu de nos tablées insulaires… Que reste-t-il de cette viande festive ?
O minnà, comu faci a rifia ?
Après la messe de minuit, les viandes (charcuterie, figatelli, sangui…) sont servies pour se sustenter, tout en se réchauffant près du feu de Noël.
D’abord enfilées en morceaux par une broche fine, les entrailles du cabri ou de l’agneau, sont présentées près du feu de la cheminée pour les faire suer. Puis, Minnà enveloppe la brochette avec la crépine, trempée en amont dans l’eau salée et vinaigrée. Avant la dernière cuisson, l’intestin grêle est ficelé et tressé d’un seul tenant pour le cuire longuement loin de la braise jusqu’à ce que la viande croustille. Régulièrement, la brochette est arrosée de salamughja propre à chaque foyer, une mixture à l’eau et au vin, parfumée d’ail écrasé et d’herbes du maquis.
Cette préparation rigoureuse et raffinée dure quelques heures et varie suivant les familles. Durant le siècle dernier, les repas de Noël sont sommaires puisque les sociétés montagnardes étaient assez pauvres. Ils changent cependant de la soupe paysanne habituelle du soir. La rivia, est en réalité déjà le plat spécifique de Noël et de Pâques également, comme dirait l’adage : « Caprettu Natale, agnellu pasquale ». Selon la tradition, Minnà ajoutait un couvert en plus à table, « u piattu di u puvarettu », et les enfants recevaient en cadeau la fameuse orange de Noël.
U caprettu di latti, pruduttu di un sistema pasturecciu tradiziunali
Dès le début du Néolithique, la chèvre est le premier animal domestiqué à avoir été introduit sur l’île. Resté assez longtemps le seul animal laitier présent en Corse, la chèvre est l’animal pastoral par excellence. On compte trois à cinq chèvres par famille dans les communautés villageoises de l’intérieur jusqu’au XIXe siècle. L’élevage caprin corse est à l’origine de productions traditionnelles à forte typicité (fromages, brocciu, cabris, etc.) aujourd’hui reconnues et recherchées puisque la consommation de viande caprine a totalement disparu des tables françaises.
Pour la production de la rivia, le cabri est nécessairement un mâle qui n’a consommé que le lait de sa mère jusqu’à son abattage, au bout de 45 jours. Durant sa courte vie, il demeure enfermé la journée dans le chjostru ousarconu, un espace clôt de la chèvrerie pour éviter qu’il ne s’alimente de brindilles, tandis que sa mère est sortie sur le parcours ou en pâture.
Le cabri est abattu juste après sa dernière tétée pour recueillir des caillettes pleines de lait, riches en nutriments. Ainsi, la caratella (fressure), est cuisinée ou transformée en rivia. La production de cabri a lieu d’octobre à mai.
A rifia o un pulastru arrustitu par Natali ?
Les usages de consommation ont néanmoins tendance à se désagréger. Aujourd’hui, le cabri est souvent remplacé à Noël par la dinde ou le chapon. En même temps, on trouve sur le marché des abats de cabris alimentés avec des préparations lactées industrielles. Des travaux sont alors actuellement menés afin de reconnaître la qualité et la typicité de l’élevage caprin sous le signe de l’Indication Géographique Protégée (IGP) « Agnellu Nustrale » et « Cabri de Corse ».
Bibliographie :
L’élevage caprin en Corse : un fort ancrage pastoral entre marginalisation et relance, Jean-Paul Dubeuf, Jean-Michel Sorba, François Casabianca, 11 avril 2022
Agneau de lait et de cabri, article de l’ODARC
Témoignages de blog Corsicanostra
A rifia o a rifredda, sicondu i lochi, hè una trincinata squisita di muzzicaturi di caprettu, isciuta da una tradizioni antica, chì si manghja par a sopracena di Natali. Tipicu di Corsica suttana, a cunfizzioni di sta vivanda veni da l’addevu caprunu sempri monda praticatu. Eppuru, vezzi novi di cunsumazioni facini à pocu à pocu spariscia a rifia di i nostri piatti nataleschi… Cosa ne ferma ?