La transhumance, du latin trans (au-delà) et humus (sol, terre) est une forme de nomadisme pastoral dont l’origine remonte au néolithique et plus précisément vers 5400 av. J.-C., date habituellement retenue concernant l’arrivée des ovins et caprins en Corse.
Mais revenons à nos moutons… donc, comme son nom l’indique, le terme transhumance désigne le fait d’aller chercher une terre qui se trouve plus loin. D’accord, mais pour quelle raison ?
Et bien, s’il est aujourd’hui possible de donner du fourrage à ses bêtes toute l’année, c’était encore une chose impensable il y a quelques temps en arrière. Et nos anciens étaient donc, ipso facto, forcés de vivre au rythme des saisons.
Fuyant la chaleur de l’été qui dessèche impitoyablement la plaine et tout ce qui peut y pousser, les bergers gagnaient les pâturages de montagne avec leur troupeau. C’est la transhumance estivale, que l’on nomme également l’estive ou l’estivage en français : a muntagnera, en corse.
Ils y restaient pour de longs mois, en parfaite autonomie, isolés de tout avec les difficultés que cela pouvait impliquer. Partant parfois à plusieurs, chacun marquant alors ses bêtes d’une entaille distinctive à l’oreille (un’inzecca) afin de pouvoir les reconnaître. Certains avaient la chance d’être accompagnés de leur épouse et de leurs enfants, tandis que d’autres étaient seuls…
Jusqu’à ce que le schéma s’inverse enfin… Fuyant désormais le froid et la neige qui allait ensevelir la végétation, les bergers regagnaient alors la plaine. C’est la transhumance hivernale dite aussi inverse ou contraire : l’impiaghjera.
Mais ce modèle n’est en quelques sortes qu’une question de point de vue, car pour les villages de montagne, c’était l’impiaghjera qui prenait des allures d’exil. Citons par exemple les bergers du Niolu qui transhumaient jusqu’en Balagne, dans la vallée du Fangu et les plaines de Figarella et du Reginu en hiver. Avant de rejoindre leurs villages en été lors de la muntagnera. Longeant et franchissant non sans hasard de nombreux cours d’eau comme ceux de Caprunali, de Lonca, de Calavalonda, du Golu pour n’en citer que quelques uns. Car qui dit expédition de plusieurs jours en plein soleil, dit nécessairement ravitaillement fréquent en eau pour les hommes et les bêtes.
« Le sentier de transhumance » qu’ils utilisaient est d’ailleurs aujourd’hui un chemin de randonnée thématique balisé du Parc Naturel Régional de Corse, qui emprunte en partie les fameux GR 20 et Mare à Mare.
Il est aussi intéressant de noter que c’est à ce lien entre plaine et montagne que nous devons l’existence de couples toponymiques comme Bastelica/Bastelicaccia, Ghisoni/Ghisonaccia… où le suffixe en -accia n’étant pas ici péjoratif, exprime plutôt une forme d’appartenance.
Mais au-delà des représentations bucoliques que cela nous inspire aujourd’hui, il nous faut nous rappeler qu’à une période où les pâturages étaient une ressource vitale pour tout un village, ils étaient par conséquent farouchement disputés. Et certaines rivalités parvenues jusqu’à aujourd’hui peuvent y trouver leur origine… À nous de savoir passer l’éponge sur ces querelles qui n’ont plus lieu d’être, ou pour rester dans les locutions latines faire : tabula rasa.
Fughjendu di statina u calore di a piaghja, i pastori si ne cullavanu in muntagna da circà lochi da fà pasce e so bande, ghjè a muntagnera. Giratusi u ciculu di e stagione, si ne vultavanu in piaghja da francassi u fretu di l’invernu, ghjè l’impiaghjera. Stu colla è fala senza fine, antica forma di numadisimu pasturecciu, hè principiatu versu 5400 nanzu à Cristu incù a ghjunta in Corsica di pecurame è capruni. Oghje ghornu, ste pratiche d’un altru tempu si perdenu sfurtunatamente di più in più… lascenduci tupunimia è meravigliosi cammini di spassighjata.